Notre société exige en permanence une productivité et une efficacité de haut niveau. Le soin, au contraire, est considéré comme non pertinent, voire comme un signe de faiblesse dans ce monde en constante "expansion", "croissance" et "progrès". Cependant, l'art est là pour questionner activement et repenser de manière critique la façon dont nous organisons nos vies.

Par Yuchen Li de [Weaving realities] (http://weavingrealities.com)

Pour moi, l'art consiste également à créer ou à faciliter un espace-temps où nous pouvons mettre en pratique les principes qui nous sont chers. Cela demande beaucoup d'imagination, de créativité, de courage, de persévérance et de foi. L'un des principes qui nous tient à cœur est le soin. Ce principe se reflète dans la manière dont notre travail collectif avec les autres consiste à traiter les gens comme une seule personne, avant de leur coller des étiquettes - invité, artiste, professeur, personne interrogée, réfugié, conservateur, directeur, concierge, stagiaire, etc. Qui sont-ils ? Suis-je curieux de connaître leur histoire ? Suis-je reconnaissant pour leur partage à cœur ouvert avant de penser à la façon dont ils se rapportent à mon travail ? Est-ce que j'agis en réciprocité avec leur attention, leur contribution et leur confiance ?

Toutes ces questions servent de rappels constants et d'autoréflexion dans ma tête. Bien sûr, ce n'est pas facile. Dans notre collectif, nous travaillons avec des communautés en résistance, comme les activistes contre les disparitions forcées au Mexique, les indigènes Arhuacan en Colombie, mais aussi avec des professeurs d'université et des étudiants aux Pays-Bas. aux Pays-Bas. La voix de tout le monde ne peut pas être entendue ou valorisée de la même manière par le système dans lequel nous vivons. Mais lorsque j'ai l'humilité d'écouter, j'ai tellement appris : la militante mexicaine m'a impressionnée par son courage de se battre, certains professeurs s'ouvrent sur leurs propres difficultés à mettre la théorie en pratique, la sagesse des Arhuacans m'amène à une autre dimension de la compréhension du monde. Et le travail qui découle des soins a le véritable pouvoir d'affecter et d'influencer les autres.

Mon partenaire dans Tisser des liens, Aldo, s'est rendu à l'école normale d'Ayotzinapa au Mexique en 2016, dans l'espoir de trouver des histoires personnelles des 43 étudiants disparus. L'école était inondée de personnes extérieures qui s'intéressaient à l'affaire, journalistes, artistes, universitaires, militants. Aldo a rencontré deux femmes à l'entrée de l'école qui lui ont proposé de lui faire visiter la ville. Au cours de la conversation, Aldo a appris qu'elles étaient également des membres de la famille de Christian, un élève disparu. Mayra est la tante de Christian, celle qui l'a fait venir. Laura, la cousine. Aldo voulait recueillir les histoires des familles mais Mayra a refusé "Vous êtes juste le même type de personnes que nous ne verrons qu'une fois et jamais plus." Beaucoup de gens sont venus avec leurs propres questions, ont obtenu leurs "réponses" ou du "matériel", publié sous leur nom, et ne sont jamais revenus. Ce n'est que lorsqu'Aldo a laissé tomber ses questions en écoutant vraiment qu'il a gagné la confiance des membres de la famille qui ont ensuite partagé avec lui leurs expériences. Aldo est resté en contact avec les personnes qu'il a rencontrées là-bas, y compris Mayra. Ils se saluaient et partageaient de temps en temps les nouveaux événements de leur vie respective. Trois ans plus tard, Aldo a invité Mayra et Laura à venir à Amster- dam et à collaborer avec Tisser des liens pendant 3 mois, pour partager leurs douleurs et leurs luttes en cuisinant ensemble. Cette fois, Mayra a accepté.

C'était intéressant pour moi de rencontrer Mayra et Laura en personne, après tout, j'avais lu et écrit tant de choses sur elles dans la proposition de projet. tant de choses dans la proposition de projet. Pendant trois mois, nous avons vécu à côté, nous avons cuisiné ensemble le week-end à la Rijkakademie et nous avons même organisé une leçon de salsa. C'était l'interaction la plus naturelle, sans aucune pensée du genre "je veux qu'ils produisent ce travail". Nous apprenions à nous connaître en tant qu'amis. Certains collègues nous ont mis en garde : "C'est comme si vous payiez leur voyage en Europe. Ils n'ont pas assez de travail à faire". Mais ça ne peut pas être calculé comme ça, n'est-ce pas ? Qu'est-ce que le travail, qu'est-ce que les soins ? Ces deux éléments sont-ils séparables ? À la fin, nous avons organisé plusieurs beaux événements et perfor- mances ensemble. Les histoires que nous avons partagées lors de ces événements sont nées de conversations à cœur ouvert, dans les occasions les plus officieuses. Personne Personne n'est capable de planifier ces moments touchants. Ils sont le fruit d'un sentiment durable d'entraide, qui perdure encore aujourd'hui.

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